La Suralimentation

Introduction

Utilisée depuis longtemps mais parfois mal-aimée pour son côté artificiel, la suralimentation possède pourtant de sérieux atouts qui lui assurent un bel avenir. C'est du moins ce que laisse à penser l'intérêt soudain des constructeurs pour le downsizing. Apparue très tôt, la suralimentation n'a cessée de se développer au fil du 20ème siècle, s'illustrant à de maintes reprises en compétition comme sur la route. Cela méritait bien que l'on s'attarde un peu dessus.

Un peu de technique

La suralimentation permet d'optimiser le remplissage des chambres en comprimant l'air avant son arrivée dans les chambres de combustion. De ce fait, le mélange obtenu est plus énergétique que celui d'un moteur atmosphérique. Il en résulte une augmentation de puissance.

Un turbo à géométrie variable (TGV) de Porsche 997 Turbo.

Il faut par ailleurs distinguer le turbocompresseur et le compresseur. Le premier tire l'énergie nécessaire à son fonctionnement grâce à une turbine d'échappement, le second s'en remet directement au vilebrequin. D'un côté on utilise un compresseur centrifuge, de l'autre, un compresseur volumétrique.

Origine de la suralimentation : le compresseur

C'est donc en 1907 que le compresseur fît son apparition. Renault, l'inventeur du système, développa dès l'année suivante deux V8 destinés à l'aviation. Très vite, d'autres constructeurs suivent la voie : d'abord Chadwick (1908) puis Hispano-Suiza (1912). Mais ce n'est qu'en 1921 que les premières voitures de série à compresseur firent leur apparition, grâce à Daimler. 

Évidemment, les voitures de course sont les premières concernées. En 1924 Alfa sort sa P2, équipée d'un V8  compressé (Roots) à double carburateur qui écrasera la concurrence. Dans les années qui vont suivre, les moteurs compressés vont se multiplier : Mercedes, Maserati, Bentley... Les plus grands constructeurs de l'époque se convertissent. Car la suralimentation permet d'atteindre des niveaux de puissance jusque-là inconnus !

L'Alfa Roméo P2 : un moteur, un palmarès, une légende...

Les années 30 seront marquées par l'arrivée de l'Alfa-Roméo 8C ainsi que de la Mercedes SSK (Super Sport Kurz), deux modèles parmi les plus légendaires pour deux marques en pleine apogée. Dans les années qui vont suivre, le constructeur étoilé va développer plusieurs modèles à compresseur. Leur gros V8 de 5401 cm3 développait la puissance remarquable de 170 ch et surtout un couple de 431 Nm !

L'arrivée du turbo

Inventé en 1909 par Alfred Büchi, le turbocompresseur est d'abord utilisé dans l'aéronautique. En utilisant les gaz d'échappement comme source de fonctionnement, il a l'avantage de ne pas absorber une partie de la puissance développée par le moteur. En revanche, il pâti d'un temps de réponse important, ce qui n'est pas le cas du compresseur traditionnel.

La Chevrolet Corvair Monza Spyder, première voiture de série à moteur turbocompressé !

En 1962 Chevrolet crée la surprise avec la Corvair Monza Spyder. Première voiture de série à disposer d'un turbo, ce cabriolet aux dimensions modestes compte tenu de ses origines anglo-saxonnes était destinée à contrer l'offensive de certains constructeurs étrangers (notamment Volkswagen). Le flat-6 2.3L une fois suralimenté développait la coquette puissance de 150ch, offrant à la Corvair des performances déjà élevées.

A cette même époque, les Formule 1 se convertissent au turbo. Avec une cylindrée maximum de 1500cm3, les constructeurs vont rapidement passer la barre des 400ch pour atteindre plus de 1000ch dans les années 80 soit une puissance spécifique de 650 ch/L ! On connaît la suite...

En 1973, BMW présente sa 2002 Turbo, première voiture européenne de série à bénéficier d'un turbocompresseur. Une sportive pure et dure, pour les aficionados du pilotage et des sensations fortes. Grâce à son turbo, le 4 cylindres de 1991 cm3 dérivé de la 2002Ti passait de 130 ch encore gentillets à 170 ch pour le moins virulents ! Cette automobile aujourd'hui mythique n'aura été produite qu'à 1672 exemplaires. Notons au passage que BMW abandonnera la suralimentation des moteurs essence jusqu'en 2006 !

Preuve que "BMW" et "Turbo" peuvent cohabiter... Et de quelle manière !

Au cours des années 70, Porsche va s'intéresser de près à la suralimentation et apportera des solutions techniques devenues aujourd'hui incontournables. Ainsi, on retrouvera sur la première 911 Turbo de 1975 une soupape de décharge qui régule la pression du turbo (wastegate). Deux ans plus tard, la 911 Turbo étrenne un intercooler. Il s'agit d'un radiateur destiné à refroidir l'air à l'admission, évitant ainsi les pertes de puissances qui pourraient êtres engendrées sinon. C'est le début d'une longue tradition pour le constructeur de Stuttgart !

Nous sommes alors à l'aube d'une nouvelle ère où la suralimentation va devenir courante - voir indispensable - aussi bien en course que sur route.

Développement et améliorations de la suralimentation

C'est au cours des années 80 que l'on retrouve les réalisations les plus spectaculaires. F1 mises à part, on pense bien sûr à un nouveau genre d'automobile : les célèbres Groupe B ! Initiée par Audi en 1980, la transmission intégrale va permettre de développer des moteurs beaucoup plus puissants que d'habitude, dépassant régulièrement la barre des 500ch (Pikes Speak notamment). C'est à Lancia que l'on doit une innovation intéressante que l'on retrouve sur la S4 et qui consiste à combiner compresseur et turbo. une technique qui permet au petit 4 cylindres de 1759 cm3 d'être à la fois vigoureux à bas régimes (grâce au compresseur volumétrique) et carrément explosif au-delà (grâce au turbo). Avec 450ch et 490 Nm, les chiffres sont alors dans la norme, mais la disponibilité et la plage de régimes exploitable forcent l'admiration (300 Nm de 1200 à 8400 tr/min). Une solution qui disparaîtra en même temps que le Groupe B et reprise depuis par Volkswagen sur son 1.4L TSI.

La fameuse Lancia Delta S4, première automobile à combiner turbo et compresseur volumétrique.

C'est à cette même époque, en 1984 précisément, qu'est née la première supercar : la Ferrari 288 GTO. Équipée d'un petit V8 de 2855 cm3, cette sublime sportive utilisait deux turbocompresseurs pour passer la barre des 400ch. Une très belle performance compte-tenu de la cylindrée. Ce bloc, que l'on retrouvera trois ans plus tard dans la mythique F40, se caractérise par un tempérament de feu et une puissance phénoménale difficile à dompter.

Un an plus tard, Porsche remet une couche avec la sortie de la 959. Développée pour le Groupe B et donc déclinée en version route ce véritable laboratoire roulant dispose des solutions techniques de demain. installé en porte-à-faux arrière, le flat 6 doublement suralimenté mérite qu'on s'y attarde un peu. Issu des 956 et 962 de course, ce bloc cube 2849 cm3 et est doté d'un refroidissement mixte air/eau qui permettra aux ingénieurs de développer des culasses à 4 soupapes par cylindres. Avec des valeurs spécifique de 158 ch/L et de 175 Nm/L, ce moteur explose tous les records établis. Plus intéressant, nous avons ici affaire à la première suralimentation à double étage. A bas régime une seul des deux turbos entre en action et n'est épaulé du second qu'à partir de 4300 tr/min. Une technique qui permet d'obtenir une montée en pression plus rapide et donc, de réduire le temps de réponse de la suralimentation. Et ça marche ! Tellement d'ailleurs, que les plus exigeants reprocheront à la 959 un manque de caractère.

Le flat 6 de la Porsche 959 est le premier moteur à disposer d'une suralimentation à double étage réduisant ainsi le turbo-lag.

Mais les années 80 verront aussi naître des moteurs suralimentés plus abordables. On pense évidemment à la Renault 5 turbo et à sa copie corrigée, la Turbo II :1397 cm3 pour 160ch, avec un temps de réponse long comme nuit d'hiver suivit d'une ruade dans le dos qui donnera le sourire aux plus blasés. Plus raisonnablement encore on retrouvera des mécaniques suralimentées pleines de saveur sous les capots des Fiat Uno Turbo i.e et Renault Super 5 GTT. On verra aussi naître un nouveau type de compresseur dit "à spirales", le fameux compresseur en G de Volkswagen que l'on retrouvera d'abord dans la Polo G40 (1272 cm3 pour 112ch) puis dans les Corrado et Golf G60.

Progressivement, en raison de l'amélioration constante des techniques de suralimentation, on verra apparaître un nouveau genre de moteurs suralimentés, plus dociles et qui privilégient l'agrément et le couple au détriment du tempérament et de la puissance brute. C'est le cas de certaines mécaniques Opel, Volkswagen, Renault et bien entendu Saab. Ce fervent défenseur de la suralimentation aura d'ailleurs développé un V6 turbo intéressant pour sa 9-5 puisque un seul banc de cylindres est suralimenté, afin d'accroître la douceur de fonctionnement aux allures paisibles sans rechercher à établir aucun record. Pour le piment et les sensations, les fameuses versions Aero sont là !

Difficile de ne pas penser à Saab quand on parle turbo !

Tout récemment, Porsche a mis au point une nouvelle technologie. Nouvelle, pas tant que ça en fait, puisque le turbo à géométrie variable (TGV) existe déjà depuis quelques années sur les moteurs diesel. Mais son application sur un moteur essence constitue une première. Le principal écueil concerne les températures des gaz d'échappement très élevées (plus de 1000°). Une difficulté qu'a su surmonter le prestigieux constructeur pour sa 997 (Bi) Turbo. Le TGV a la particularité d'être doté d'ailettes réglables qui dirigent les gaz de façon optimale. Il en résulte une plus grande souplesse à bas régimes sans sacrifier la puissance à hauts régimes.

Conclusion

La suralimentation a investi tous les segments automobile. De la plus petite citadine (Smart ForTwo) à la plus puissante GT (Bugatti Veyron) en passant par les prestigieuses (Bentley Arnage) et les radicales (Lotus Exige R) ou encore par les grandes routières (Saab 9-5). Et la grande majorité des constructeurs s'y est intéressée de près ou continue aujourd'hui encore de l'utiliser. Cette diversité est sans doute la plus belle preuve que la suralimentation a plus d'un argument à faire valoir, même si, ces derniers temps, le turbo a quelque peu délaissé le sport au profit du grand tourisme. Franchement, c'est là un moindre mal !

 

 

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